Hypnose et science


Toutes les sciences sont descendues de la magie et de la superstition, mais aucune n'a été aussi lente que l'hypnose à se débarrasser des associations maladroites de son origine. Aucune n'a été aussi lente à prendre un caractère véritablement expérimental et véritablement scientifique. La quasi-totalité des phénomènes courants ont été découverts et décrits au cours des cinquante premières années, de 1775 à 1825. Mais le siècle qui suivit 1825 présenta une stérilité remarquable dans ce domaine. Presque rien d'important n'a été accompli pendant cette période, si ce n'est la correction très graduelle des erreurs qui découlaient à l'origine directement de mauvaises procédures expérimentales.

Nous avons déjà eu l'occasion de noter un exemple classique concernant la polémique entre Bernheim et Charcot. Le développement tardif de l'hypnose scientifique est d'ailleurs particulièrement frappant quand on se souvient que pratiquement depuis le début de son histoire l'hypnose a certainement été un phénomène expérimental. Non seulement cela, mais l'expérimentation a été continue et répandue durant une période pendant laquelle la science dans, d'autres domaines, a connu ses plus grands progrès.

Le paradoxe ici, comme toujours, disparaît en prenant pleinement connaissance des circonstances concomitantes. En premier lieu, comme nous l'avons déjà vu, le motif dominant dans toute l'histoire de l'hypnose a été clinique, celui de guérir les maux humains. On n'aurait guère pu imaginer pire situation pour l'établissement de principes scientifiques parmi des phénomènes hautement insaisissables.

Comme nous aurons l'occasion de le constater fréquemment, un principe indispensable d'une investigation hypnotique satisfaisante est celui de l'expérience de contrôle. Ainsi l'expérience magnétique de Charcot était tout à fait trompeuse et scientifiquement pernicieuse jusqu'à ce que Bernheim la complète en substituant à l'aimant «un couteau, un crayon, une bouteille, un morceau de papier ou rien du tout». Mais mener délibérément une expérience de contrôle dans une véritable pratique clinique aurait impliqué de refuser à un nombre considérable de patients (le groupe de contrôle) un mode de traitement possédant une certaine présomption de valeur curative.

Cette privation délibérée des moyens de vie et de santé de certains individus, même si elle pourrait,
à long terme, grandement profiter à d'autres individus, est révoltante pour la nature humaine ordinaire. Et, lorsqu'un patient pait un médecin pour un traitement, c'est tout à fait hors de question. La tâche du médecin est d'effectuer une guérison de la manière la plus rapide possible, en utilisant plus ou moins simultanément tous les moyens à sa disposition.
Naturellement, les lois générales qui exigent la variation d'un seul facteur à la fois ne se dégagent pas facilement de telles situations.

Pire encore (malgré des exceptions notables comme dans le cas de Bernheim) les limites de la pratique clinique se retrouvent souvent dans le comportement des expérimentateurs qui les ont adoptés de fait, même lorsque les conditions dans lesquelles les situations expérimentales se font permettent réellement de réaliser des expériences de contrôle.

Ce thème de l'expérience de contrôle est connu depuis longtemps comme une signature employé par les scientifiques. C'est un point clé de toute approche scientifique efficace.

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