Témoignage sur le "Petit Hypnotisme" de l'école de Nancy





Je ne suis pas allé à Nancy. Mais j'ai visité à Paris des cliniques (très recommandables) des maladies du système nerveux, où l'on opère absolument comme chez le Dr Bernheim et chez le Dr Liébault.

Tout s'y passe, en effet, avec une simplicité remarquable. Vous voyez venir là des personnes probablement fatiguées par des traitements contradictoires et par des drogues de toute espèce, des femmes nerveuses qui souffrent d'insomnies prolongées, de hoquets ou de tremblements, des jeunes filles qui ont des accès de peur et de « trac » quand leurs études ou leur procession les obligent à paraître devant le public, d'autres qui s'accusent d'éprouver des sentiments de jalousie pénible, dont on leur a dit que l'hypnotisme les débarrasserait,soit d'une manière, soit d'une autre, des malades qui s'obstinent à ne vouloir ni manger, ni marcher, ni causer comme tout le monde; puis des enfants qui ont des tics ou de mauvaises habitudes dont n'ont pu triompher ni les prières, ni les menaces, ni les soins hygiéniques de leurs parents; bref, toutes les variétés des maladies nerveuses prolongées et exaspérées si elles ne sont pas créées par l'imagination.


Le docteur (celui que j'ai suivi n'est point du tout un empirique) commence par prendre avec soin «l'observation» de chacun d'eux. Il s'enquiert des antécédents, scrute l'état générât, pose le diagnostic du mal. Je suppose que ces renseignements l'aident à voir si la maladie n'appelle aucune intervention, thérapeutique ou chirurgicale, en dehors de son intervention d'hypnotiseur. Celle-ci se manifeste sans appareil.

Le client est sur un canapé ou dans un fauteuil on lui prend les mains qu'on lui fixe doucement sur l'abdomen on lui touche le front, on lui clôt les paupières, et on lui dit « Vous allez dormir, bien dormir. » On lui tourne les bras en lui recommandant de se laisser faire, et on l'abandonne. Si c'est une première séance, on voit généralement que le malade essaye franchement de dormir, mais qu'au bout de quelques minutes il ouvre les yeux. On le congédie en lui disant que c'est un bon commencement et que la prochaine fois, s'il est docile, tout ira très bien. La fois suivante (s'il n'est pas nécessaire d'aller jusqu'à une troisième séance), le sujet est mieux préparé. Déjà il s'habitue au lieu comme on s'habitue au temps et à l'heure du sommeil et, en effet, le voilà promptement endormi.

J'en vois qui dorment là comme des bienheureux, enveloppés dans leur manteau, les jambes allongées et immobiles. « Ce sommeil leur fera beaucoup de bien », m'affirme le docteur. Je le crois sans peine, surtout quand il s'agit de femmes nerveuses qui, chez elles, se retournent dans leur lit sans pouvoir vaincre l'insomnie. Le sommeil enfin trouvé, le calme et les douleurs de tête dont elles se plaignaient s'atténuent.

Quant aux suggestions, on les fait au moment même où l'on endort la personne, et elles sont à tout le moins fort inoffensives. « Vous allez bien vous porter, – vous ne souffrirez plus, – ce tremblement n'existera plus, il, se calme, le voilà calmé, il n'existe plus, plus du tout, vous allez marcher avec facilité, vous serez très heureux de marcher, vous allez avoir bon appétit, vous trouverez excellent ce qu'on vous donnera et vous digérerez très bien, vous écouterez bien votre maman, – vous ferez tout ce que votre sœur vous dira et vous l'aimerez beaucoup alors toutes vos frayeurs disparaîtront, tout ira très bien », etc., etc. Et on passe à une autre.

Je ne dis pas qu'avec ce système les boiteux soient redressés, les sourds entendent et les aveugles voient mais je confesse qu'une foule de troubles nerveux sont apaisés, que beaucoup d'impressions fâcheuses se dissipent, que quelques habitudes funestes sont suspendues et se perdent ou brusquement ou peu à peu. « Tout cela, me dit textuellement un médecin (qui opère ainsi et avec succès), repose sur un principe unique, la crédulité humaine. Nous arrêtons certaines imaginations, nous en provoquons de nouvelles que nous soutenons et pour ce faire, nous choisissons simplement le moment où le sujet, commençant à s'endormir, emporte avec lui dans son sommeil pour s'y accoutumer sans résistance et s'en pénétrer à son insu, l'idée que nous lui avons suggérée.

Voilà donc ce qu'on a appelé le petit hypnotisme.


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