De la liberté des somnambules


Puységur, et après lui, les magnétiseurs du surnaturel, ont soutenu que les dormeurs, dont la lucidité paraît transcendante, jouissent de leur liberté morale et physique. D'abord, je le confesse, il ne m'est jamais arrivé d'en rencontrer qui aient eu en partage des facultés si merveilleuses et une telle liberté. Sur certains sujets, j'ai remarqué souvent une surexcitation des sens, de la force musculaire, de la mémoire et de l'intelligence; mais c'était dans la limité des choses naturelles.

Puis, dans les cas où ils dormaient profondément, il m'a toujours été possible d'anéantir en eux ce qu'ils avaient de spontanéité d'esprit et de corps. Aussi, ne puis- je accepter, avant preuve du contraire, la manière de voir de ces hommes convaincus. Théoriquement, du reste, cette liberté est incompréhensible. C'est parce qu'il est extrêmement isolé ; parce que son attention est accumulée fortement sur un sens ou une faculté, qu'un somnambule est plus lucide que d'ordinaire ; et, comme l'impossibilité où il est de réagir par la pensée est en raison de la concentration de son esprit, il s'ensuit nécessairement qu'il a perdu alors au plus haut degré, avec la liberté de faire effort, la liberté morale et physique.

Les meilleurs dormeurs, les plus lucides enfin, sont bien inférieurs aux fous sous le rapport dont il s'agit, car, d'eux-mêmes, ils ne se mettent en communication avec ce qui les entoure que d'une manière exceptionnelle, tant leur attention, devenue inerte par son accumulation, a fini par perdre de son ressort ; et de plus, comme ils sont isolés presque de tous leurs sens et de toutes leurs facultés, ce qu'ils gagnent par cela même en profondeur de pensée, ils le perdent en étendue, c'est à dire, en liberté

Posts les plus consultés de ce blog

La theorie de la Néodissociation d' Ernest Hilgard

Les zones hypnogènes

Erickson et le mythe des métaphores