Hallucinations rétroactives


 

C'est le moment de parler des hallucinations rétroactives, que je n'ai fait que signaler dans le précédent chapitre, et qui consistent en ceci : à un individu en état de somnambulisme profond, on suggère qu'il a eu antérieurement telle sensation, qu'il a entendu tels propos, qu'il a été moin de telle action ; réveillé, il indique, spontanément ou sur interrogatoire, la sensation, les paroles, le fait, dont on a fait pénétrer l'idée dans son cerveau.
 

Voici, par exemple, une de mes somnambules, Marie G...,dit M. Bernheim ; je la mets en sommeil profond, et je lui dis :

« Vous vous êtes levée dans la nuit? »

Elle répond : « Mais non. »

J'insiste : 
« Vous vous êtes levée quatre fois pour aller à la selle, et la quatrième fois vous êtes tombée sur le nez . Cela est certain; et quand vous vous réveillerez, personne ne pourra vous faire croire le contraire. »

A son réveil, je lui demande : « Comment cela va? »

« Bien, me dit-elle, mais cette nuit j'ai eu de la diarrhée,je me suis levée quatre fois, même je suis tombée et me suis fait mal au nez.»

Je lui réponds: « Vous avez rêvé cela; vous ne m'aviez rien dit tout à l'heure ; aucune malade ne vous a vue. »

«Elle persiste dans son affirmation; elle n'a pas rêvé, elle a parfaitement conscience de s'être levée; toutes les malades dormaient, et elle reste convaincue que c'est arrivé. »


Jusque-là rien de bien grave. Mais le même expérimentateur a suggéré un jour à la même malade que, quatre mois et demi auparavant, elle a vu, dans la maison qu'elle habite, un vieux garçon faire subir les derniers outrages à une petite fille, qui criait, se débattait, etc.

Réveillée, puis interrogée trois jours après par un interne jouant le rôle de juge d'instruction, en l'absence de M. Bernheim, elle raconte les faits dans tous leurs détails, donnant les noms de la victime, du criminel, l'heure exacte du crime; elle maintient ses dires énergiquement; elle sait quelle est la gravité de son témoignage; si on l'appelle à comparaître devant les assises, malgré l'émotion qu'elle en ressent, elle dira la vérité, puisqu'il le faut; elle est prête à
«jurer devant Dieu et les hommes. »

Tout cela, bien entendu, sans faire la moindre allusion à l'auteur de la suggestion, puisqu'elle avait vu, réellement vu, le drame se dérouler devant ses yeux plusieurs mois auparavant, et que le saisissement seul l'avait, disait-elle, empêchée d'en parler à cette époque.

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