Gestion de la résistance en 1891...





Je l'hypnotisai pour la première fois le 27 mars. Il ne s'endormit pas, mais ressentit cependant quelques impressions suggestives qui me parurent d'un bon augure, malgré ses protestations contraires. Il prétendit, en effet, que jamais on ne pourrait l'endormir, que ses idées l'en empêcheraient et que je perdrais mon temps avec lui. Il sentait bien, disait-il, que tous mes efforts étaient inutiles. Je lui affirmai positivement, au contraire, que tout irait bien et qu'il finirait par dormir profondément. 

Les tentatives subséquentes d'hypnotisation furent encore plus mauvaises. Le malade est très énervé ; chaque fois qu'il arrive chez moi, il s'agite, prétend qu'on ne réussira jamais avec lui, que ses obsessions augmentent et n'ont jamais été aussi violentes ni ses pratiques de masturbation plus fréquentes. Il se rit de l'hypnotisme et assure qu'il n'en saurait rien résulter de bon.

Je combats tranquillement ses hésitations et je cherche à calmer ses appréhensions. Je lui fais remarquer que la lutte qui se livre en lui est la meilleure preuve qu'il est influencé et qu'il deviendra bientôt hypnotisable. Je lui dis qu'il n'est point nécessaire qu'il dorme dès les premières séances, que je fais toujours très courtes, cessant les tentatives d'hypnotisation après cinq ou dix minutes, si le malade n'en ressent aucun effet. Bientôt cependant M. B. commence à s'endormir; mais à peine l'assoupissement se fait-il sentir, qu'il sursaute et se réveille en ouvrant les yeux et protestant contre le sommeil qui ne viendra jamais, il en est bien sûr. 

Après quelques séances pendant lesquelles les sursauts deviennent plus fréquents et témoignent ainsi du succès croissant des hypnotisations, voici le malade qui vient un jour à moi, très agité et inquiet. Il m'annonce qu'il ne veut pas dormir. et me demande si l'hypnotisme n'a pas déjà rendu des gens fous furieux. Depuis que je l'hypnotise, il se sent des impulsions soudaines de battre quelqu'un et il m'avoue qu'il craint beaucoup de me tomber dessus et de me donner des coups. Il est assez obligeant pour m'en prévenir, car il sent bien, dit-il, que c'est plus fort que lui, En outre, il me déclare catégoriquement qu'il ne veut pas être débarrassé de ses « idées fixes » et que tous mes efforts pour cela seront impuissants. Je le rassure, le tranquillise,et je l'endors, Les sursauts sont fréquents et violents, mais je sommeil est déjà plus profond quoique le malade se souvienne de tout au réveil.
 
Je ne décrirai pas les péripéties qui se présentèrent dans les séances suivantes et qui n'offrent aucun intérêt spécial, je me bornerai à dire que M. B. finit par s'endormir très profondément, et du premier coup ; dès qu'il s'assied, je ferme ses paupières et je lui dis: dormez, il tombe instantanément dans un sommeil hypnotique profond, dont il sort à ma volonté, sans aucun souvenir de ce que je lui ai dit pendant qu'il dormait.

Les suggestions thérapeutiques ont porté jusqu'ici exclusivement sur les anomalies sexuelles, J'affirme à M. B. que le jeune homme habillé de gris ne lui fait plus aucune impression. Je le persuade que ses idées et ses obsessions génitales lui sont devenues absolument indifférentes et qu'il ne s'en préoccupe plus du tout. Vers la fin de mai, après vingt-cinq séances, le malade m'annonça spontanément qu'il était beaucoup mieux et que jamais ses idées n'avaient été aussi effacées, moins obsédantes,« Je n'y comprends rien, «ajoutait-il, je deviens de plus en plus indifférent aux pensées mauvaises qui remplissaient si fort mon imagination. Les idées sont toujours là, elles ne m'ont pas quitté, mais elles me laissent tranquille et ne me tourmentent plus. ». La fréquence de l'onanisme a de même sensiblement diminué.




Dès cette époque je fis les séances d'hypnotisme a des intervalles de plus en plus éloignés, d'abord toutes les semaines, puis tous les quinze jours; et actuellement M. B. ne vient chez moi qu'une fois par mois pour faire renouveler ses suggestions. L'amélioration s'est affirmée et le malade m'a dit que jamais il ne s'était senti si dispos de corps et d'esprit. Plus d'idées sombres ni de désespoir. M. B. reprend intérêt à ses occupations; il a fait avec plaisir des courses de montagne, mais il est toujours porté à la solitude et évite autant que possible la société des dames.

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