Du somnambulisme à l'extase...

L'histoire philosophique de l'homme prouve que toutes les fois qu'il se trouve exposé à une cause permanente d'exaltation morale portée à un certain degré, son organisation devient susceptible d'éprouver une modification singulière, qui donne naissance à des phénomènes physiques ou intellectuels dont l'ensemble caractérise un état particulier que j'ai désigné sous le nom d'extase*.

(* Il est très important de remarquer que par le mot d'extase je n'entends point désigner un état de ravissement porté au plus haut degré, accompagné pour l'ordinaire d'une perte totale de connaissance et de l'abolition complète des sens, mais que, détournant ce mot de la signification, assez vague d'ailleurs, qu'on lui donne, je m'en sers pour désigner l'état dont je vais faire connaître les causes les plus ordinaires, les moyens de reproduction, et les phénomènes les plus communs)

Cet état, qui a joué un grand rôle dans l'établissement de toutes les religions et de toutes les sectes religieuses, s'est également présenté parmi les malades qu'on exorcisait dans les siècles d'ignorance, et chez lesquels il donnait lieu aux phénomènes qui faisaient croire à l'existence de la possession....

(L'auteur décrit ensuite plusieurs cas historiques, non rapportés ici, d'épidémie d'extase pour en extraire les arrières plans communs)

 

Le mode d'administration du magnétisme, qui nécessite que le malade reste soumis à ses procédés pendant un temps plus ou moins long, mérite une grande attention et fournit une réponse bien simple aux arguments employés par les magnétiseurs, pour prouver que les effets qu'ils obtiennent ne sont pas dus aux causes morales que nous avons déjà tant de fois signalées. 

N'arrive-t-il pas journellement, disent-ils, qu'un malade, après avoir pendant longtemps désiré les soins d'un médecin ou de l'administration d'un remède dans lequel il a confiance, finit par obtenir ce qu'il désire, sans pourtant que l'état de sa santé en soit amélioré ? 

Mais combien le malade en question est loin de se trouver dans les mêmes circonstances morales que celui qui se soumet avec confiance à l'opérateur magnétique ! Le voit-on, comme ce dernier, dans un état de recueillement, soumis pendant une demi-heure ou trois quarts d'heure à la conviction qu'actuellement une cause puissante et salutaire agit sur son organisation ? Son attention est-elle, pendant un aussi long temps, soutenue par des procédés qui, tout simples qu'ils sont, ne manque jamais, au moins les premiers jours, de lui paraître étranges ? Croit-il sentir cette cause bienfaisante couler pour ainsi dire dans ses veines, en suivant la main du magnétiseur silencieux ou la verge magique du baquet ? 

Enfin, cette conviction, cet espoir se trouve-il soutenu chez lui par l'idée de merveilles qui vont peut être bientôt se manifester en lui, par l'idée d'un état presque surnaturel dont il croit, à chaque impression légère, sentir l'approche ? Que les magnétiseurs réfléchissent à toutes ces circonstances, et qu'ils apprécient eux-mêmes la comparaison qu'ils ne craignent pas de faire...