Schizophrénie, Transe hypnotique et continuation


E : D'accord. Maintenant, qu'est-ce qui vous préoccupe, messieurs?

H: Nous voulons d'abord savoir si vous pensez qu'il existe des similitudes entre la schizophrénie ou les manifestations de la schizophrénie et les manifestations de la transe hypnotique.

E: Similitudes et non similarités.

H: soit.

E: Bien, commençons par une sorte d’analogie. La fièvre associée à la déshydratation est très similaire à la fièvre associée au typhus ou à la pneumonie, mais il s’agit de types de fièvre totalement différents. . . .La signification pour le corps est totalement différente. Le comportement du schizophrène présente de nombreuses similitudes. Mais leur signification pour le sujet hypnotique et celle du sujet schizophrénique sont, à mon avis, totalement différentes.

W: Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la manière dont vous les considérez comme différentes?

E: L'hallucination chez un sujet hypnotique constitue une expérience subjective dans laquelle il utilise l'expérience subjective confortablement, agréablement, pour quelque chose qu'il considère comme un but légitime. Et il est conscient qu'il exerce une sorte de contrôle sur cela. La même hallucination pour le schizophrène est une expérience subjective, mais d’une catégorie différente en ce sens qu’il ne la ressent pas comme une partie de lui-même, comme une chose hors de son contrôle, quelque chose qui se produit réellement indépendamment de son objectif ou de ses désirs.

W: Comment relier cela aux hallucinations hypnotiques que j'ai lues, celles où le sujet réagit apparemment avec effroi. En d'autres termes, vous avez certainement vu des exemples de ce genre dans l'hypnose de spectacle. Vous dites au sujet qu'un lion est dans la pièce et il semble très effrayé.

E: C’est vrai, et il réagit de manière très similaire au patient schizophrène, qui voit aussi un tigre subjectif. Mais le sujet hypnotique a une conscience particulière du fait que c'est la situation du moment présent. Il n'a pas le sentiment d'immédiate continuation - que l'expérience a un coté permanent. Tout comme vous êtes conscient d'être un homme aujourd'hui et conscient du fait que que vous allez conservez ce fait pour les 20 ou 30 ans à venir. Cela fait partie de votre connaissance que vous êtes un homme, c’est un élément essentiel. Parce que, en tant que fille à qui il est demandé de se sentir comme un homme, elle se sent maintenant et seulement maintenant comme un homme, le sujet hypnotique ressent maintenant le tigre, et seulement maintenant comme un tigre, sans cet élément de continuation pour une durée indéterminé.
W: Cela fait une grande différence alors que c'est une partie limitée de son expérience, même si c'est très réel pour le moment.

E: Très réel pour le moment, mais il y a cet élément de continuité - continuation plutôt que continuité. L’enfant peut se sentir comme un enfant, mais il a le sentiment très net "Qu’un jour, je serai un homme". L’enfance a un certain sentiment de continuation et, en même temps, la prise de conscience qu’elle se termine.

H: Je me demande si le schizophrène a le sentiment que cela va continuer, qu’il va continuer à voir ce tigre?

E: Pas dans le sens précis que j’ai décrit, mais de manière vague.

W: Je pense qu'il a peut-être le sentiment que de telles choses font partie de ce qui se passe pour lui.

E: Et vont continuer à se produire.

H: Qu'en est-il du sujet hypnotique qui produit une hallucination non pas sur une instruction directe, mais indirectement, de sorte qu’il a soudainement une hallucination et qu’il découvre qu’il en a une. N'est-ce pas plus semblable à ce que le schizophrène traverse en ce sens que cela échappe à son contrôle?

E: Mais est-ce vraiment hors de son contrôle, ou est-ce en réalité en réponse à la situation dans laquelle il se trouve?

H: Eh bien, cela doit être une réponse à la situation, mais ce n’est pas quelque chose qu’il pense avoir produit.

W: Cela soulève la question de ce que nous pensons de la schizophrénie. Est-ce la réponse à une certaine situation?

H: Oui, nous supposons - et nous en avons certainement plus à supposer - que les symptômes de la schizophrénie sont une réponse à une situation dans laquelle ils se trouvent.

W: Ou ont été.

H: Ou la situation telle qu’ils la perçoivent, ce qui veut dire comme elle était avant.

E: Oui, et un sujet hypnotique expérimente son hallucination en termes d'expérience subjective spécifique, celle d'être en transe. Et cela concerne ce qu’il peut faire et ce qu’il ne peut pas faire en état de transe.

 
W: Ce cadre serait quelque chose, en quelque sorte, séparé et limité alors?

E: Vous pouvez nager - connaître tous les sensations - et pourtant, peu importe à quel point vous êtes conscient de vos sensations de nager, vous devez aller à la piscine. Et là, vous vivez vraiment des sensations de natation, dans la piscine - une situation limitée, celle où vous nagez vraiment. Pour expérimenter une hallucination dans un état de transe, vous en faites l'expérience dans un état de transe dans cette condition générale circonscrite. C’est donc une partie de la situation, tout comme votre natation fait partie de la situation de la piscine ou de la situation de l’océan. Et c'est votre partie de l'océan ou votre partie de la piscine où la natation se produit. Le sujet hypnotique éprouve ces hallucinations dans cette sorte de degré de constriction.
W: Qu'en est-il de quelqu'un qui est mis en transe sans le cadre habituel, disons sans mention de transe ou d'hypnose, mais par une technique indirecte d'induction dans ce qui semble être un cadre social. Cette limitation s’applique-t-elle toujours de la même manière, et si oui, qu'est ce qui la définit dans ce cas ?

E: La personne qui entre en transe le fait en raison d'une perte progressive de contact avec la réalité, certaines réalités. Par exemple, lorsque vous m'écoutez, vous êtes conscient du cendrier là-bas, du rideau devant la porte, de la glacière. Et pourtant, en même temps, votre attention s’adresse principalement à moi, vous connaissez la position des choses. Cela accapare une partie de votre attention. Et la personne qui entre en transe perd ce contact avec la réalité. Vous le saurez dès qu'il changera même de position et vous pourrez en tenir compte. . . . (texte original : "
You will be aware of it just as soon as he even changes his position, and you can
make allowance for that
". Lorsque le sujet entre en transe, il perd le contact avec la réalité, perd le contact avec une grande partie de l'environnement. Le sujet est capable de réorienter le comportement de l’attention et d’apprécier le fait que ceci s’est produit, que cette personne a bougé les bras et croisé les jambes, mais c’est un élément de conscience distinct. Avec vous, tandis vous écoutez, vous allez quand même en prendre conscience, que vous soyez attentif ou non. Il y aura cet enregistrement subliminal. Le sujet hypnotique n'a pas à le faire; ils s'extraient de l'environnement à l'exception de certaines parties réservées.

H: Cela semble être l’une des choses que le schizophrène ne fait pas. Il semble tellement au courant de tout ce qui se passe tout le temps ...

E: Il est souvent extrêmement conscient, même dans un état de stupeur. Mais rien de tout cela ne rentre dans la décision du problème. Quand Johnny participait à la cour, il s’asseyait sur le trône et écoutait le bouffon de la cour. Et pourtant, malgré la preuve de tous ces comportements et activités hallucinatoires, Johnny enregistrerait d'une manière ou d'une autre l'infirmière de la salle, enregistrerait les événements de la salle...

---- Remarque : Différence entre continuation et continuité ------
Continuation et continuité



Les noms continuation et continuité appartiennent à la même famille de mots, mais ils ont des sens différents.



Continuation signifie « action de poursuivre quelque chose » ou encore « fait d’être continué, prolongé ».



Exemples :



- Nous devons prendre une décision au sujet de la continuation de ce projet.

- Ils ont convaincu les élus de plaider en faveur de la continuation de cette route.

- Crois-tu en la continuation de la vie après la mort?



En français, la formulation bonne continuation est utilisée pour souhaiter à quelqu’un de poursuivre une activité qu’il a commencée de façon agréable. Cette expression est toutefois considérée comme familière lorsqu’elle est employée comme formule de salutation qu’on adresse à une personne dont on prend congé.



Exemples :



- Monsieur Lessard nous quittera à la fin de la semaine pour occuper de nouvelles fonctions au sein d’une entreprise de télécommunications. Nous lui souhaitons une bonne continuation! (et non : une bonne continuité)

- Félicitations à tous ceux et celles qui ont obtenu une bourse pour la poursuite de leurs études! Bonne continuation! (et non : bonne continuité)





Continuité a pour sa part les sens de « caractère de ce qui n’est pas interrompu dans le temps » et « caractère de ce qui est constitué de parties non séparées, de ce qui est continu dans l’espace ». Ce nom est un dérivé de l’adjectif continu.



Exemples :



- L’importance de la continuité des soins donnés aux patients asthmatiques s’avère cruciale.

- Dans les dessins d’Escher, la continuité des lignes est souvent une illusion d’optique.


(source : http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?id=2541)

---- Texte original ----
E: All right. Now what is on your minds, gentlemen?
H: We want to know, to begin with, whether you think there are any similarities between schizophrenia, or the manifestations of schizophrenia, and the
manifestations of hypnotic trance.
E: Similarities and not identities.
H: Either.
E: Well, let’s preface that with a kind of an analogy. The fever in dehydration
is very similar to fever in typhus or pneumonia, but they are totally different kinds of fever.
. . .1 The significance to the body is totally different. There
are numerous similarities in the behavior of the schizophrenic. But their significance to the hypnotic subject and the significance to the schizophrenic
subject are, in my estimation, totally different.
W: Could you tell us a little bit about what way you see them as different?

E: The hallucination for a hypnotic subject constitutes a subjective experience
in which he is utilizing subjective experience comfortably, agreeably, for
something that he regards as a legitimate purpose. And he is aware that
he exercises some kind of control over it. The same hallucination for the
schizophrenic is a subjective experience, but of a different category in that
he feels it no part of himself, as something out of his control, something that
really occurs regardless of any purpose or desires of his.
W: How would this go with hypnotic hallucinations that I have read of, that
are apparently those to which the subject reacts with fright. In other words,
you see examples certainly in stage hypnosis. You tell the subject a lion is in
the room, and he appears to be very frightened.
E: That’s right, and so he reacts very much as the schizophrenic patient does,
who also sees a subjective tiger. But the hypnotic subject has an awareness
of some kind that this is the situation now. He does not have the sense of
immediate continuation—that experience as a permanent thing. Just as you
have the awareness now that you are a man, and you are aware of the fact
that you are going to know that 20 to 30 years from now. That’s part of your
knowledge that you are a man—it’s an essential part of it. Because, as a girl
who is asked to sense herself as a man, senses herself now, and only now as
a man, the hypnotic subject senses the tiger now, and only now as a tiger,
without that element of continuation indefinitely.
W: It makes a great difference then that it is a limited part of his experience
even though it is very real at the moment.
E: Very real at the moment, but there is that element of the continuity—
continuation rather than continuity. The child can sense himself as the child,
but he has a very definite feeling that “someday I’m going to be a man.”
Childhood has a certain feeling of continuation and yet at the same time
there’s a realization that it ends.
H: I wonder if the schizophrenic has such a feeling that it’s going to continue—
that he’s going to continue to see this tiger?
E: Not in that clear-cut sense that I’ve described but in a vague way.
W: I think that he might have a feeling that things of this sort are what have
been going on for him.
E: And will continue to go on.
H: What about the hypnotic subject who produces a hallucination not on any
kind of direct instruction, but indirectly, so that suddenly he’s having a hallucination and discovers he’s having one. Isn’t that more similar to what the
schizophrenic goes through in the sense of it being out of his control?
E: But, is it really out of his control, or is it really in response to the situation in
which he finds himself?
H: Well, it’s going to be in response to the situation, but it isn’t something he
thinks he produced.
W: That raises the question of what we think about schizophrenia. Is that in
response to a certain situation?
H: Yes, we assume—and are getting certainly more to assume—that symptoms
of schizophrenia are a response to a situation they are in.
W: Or have been in.
H: Or the situation as they see it, which means the way it was before maybe.
E: Yes, and a hypnotic subject experiences his hallucination in terms of a specific subjective experience, of being put into a trance. And it relates to what
he can do and what he can’t do in a trance state.
W: This frame would be something, in a sense, separate and limited then?
E: You can swim—know all the feelings—and yet no matter how aware you
are of your feelings of swimming you have to get into the pool. And there
you really experience your feelings of swimming, in the pool—a limited
situation, that’s where you really swim. To experience a hallucination in a
trance state, you experience it in a trance state in that circumscribed general
condition. So it’s a part of a situation, just as your swimming is a part of
the pool situation or the ocean situation. And it is your part of the ocean
or your part of the pool where the swimming occurs. The hypnotic subject
experiences these hallucinations in that sort of constricted degree.
W: What about someone who is put into a trance without so much of the usual
framing, say without the mention of trance or hypnosis but by an indirect
technique of induction in what appears to be, say, a social setting. Does this
limitation still apply there equally, and if so what defines it then?
E: The person who goes into a trance does so by virtue of a progressive loss
of contact with reality—certain realities. You, for example, as you listen to
me are aware of the ashtray over there, the curtain in front of the door, the
cooler. And yet at the same time your attention is directed primarily to me,
you are aware of the things’ position. It has a part of your attention. And
the person who goes into a trance state loses that contact with reality. You
will be aware of it just as soon as he even changes his position, and you can
make allowance for that.
. . . When the subject goes into a trance, he loses
contact with reality, loses contact with a great deal of the environment. The
subject is able to redirect the attention behavior, and appraise the fact that
this has happened, that this person has shifted his arms and crossed his legs,
but that’s a separate bit of awareness. With you, as you listen, you’re going
to be aware of it anyway, whether you’re paying attention or not. There’ll be
that subliminal registration. The hypnotic subject does not have to do that;
they slip out of the environment except for certain reserved parts.
H: That seems to be one of the things the schizophrenic doesn’t do. He seems
so damn aware of everything that is going on all the time—
E: He often is exceedingly aware, even in the stuporous state. But none of it
fits into deciding the issue. When Johnny would be holding court, he’d sit
on throne, and listen to the court jester. And yet, despite the evidence of all
that hallucinatory behavior and activity, Johnny would some way register
the ward nurse, register ward events.

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