Orthopédie morale


Il y a environ une douzaine d'années, lors de mes débuts en hypnologie, me trouvant en rapport avec le Président de la Société contre l'abus du tabac, M. Decroix, je fus sollicité par lui de travailler à lui fournir quelques observations (ne fut-ce que trois ou quatre) de jeunes sujets guéris de l'habitude de fumer par la suggestion hypnotique, moyennant quoi, disait-il, je pourrais gagner un prix de 400 francs qu'il avait fondé.

Pour plusieurs raisons, l'oeuvre à réaliser n'était pas aussi facile qu'elle semblait au premier abord, mais pour faire acte de bonne volonté, je résolus d'essayer et me mis à recruter quelques jeunes gars (ou plutôt garnements) auxquels je donnais plusieurs rendez-vous chez moi, mais ils ne venaient jamais et, ne pouvant courir après eux, j'eus seulement la possibilité d'en rejoindre deux (un peu plus dociles que les autres, l'un de quinze ans, l'autre de seize), chez leurs parents, aux heures des repas. Or, ces deux-là, que je parvins à endormir assez facilement et d'un sommeil assez profond, à la troisième ou quatrième séance; en une douzaine de séances pour l'un et une dizaine pour l'autre, je parvins à les guérir, non seulement de l'habitude de fumer, niais d'autres mauvaises habitudes encore, telles que la masturbation, l'onychophagie, l'amour du cabaret et du billard. Je les rendis meilleurs, plus laborieux; je les transformai en quelque sorte, profitant de l'occasion pour faire de l'orthopédie morale, de cette orthopédie plus utile encore que l'orthopédie physique et que l'on devrait tenter plus souvent qu'on ne le fait.

Mais comme je n'avais pas atteint le chiffre de faits demandé par M. Decroix, les observations ne furent jamais rédigées et c'est pour mémoire seulement et à l'appui de cette communication que j'en parle aujourd'hui, pensant que la question ne doit pas cesser de rester à l'ordre du jour.

Posts les plus consultés de ce blog

La theorie de la Néodissociation d' Ernest Hilgard

Les zones hypnogènes

Erickson et le mythe des métaphores