Le père du fractionnement en hypnose



En arrivant à Burgholzli, Oskar (Vogt) en vint à considérer l'hypnose comme "un microscope pour l'exploration de l'âme humaine" et il plongea avec enthousiasme dans l'apprentissage de Forel (August) et des subtilités de ce métier. Rapidement, il étonna le maître par sa capacité frappante à hypnotiser les patients. En même temps, Forel devint très impressionné par la rigueur et le sérieux d'Oskar dans ses tentatives de reconnaître et d'analyser les mécanismes sous-jacents à la dynamique de l'hypnose.

Sans surprise, il ne fallut que quelques mois à Forel pour prendre la décision de léguer à Oskar la direction éditoriale du Zeitschrift for Hypnotismus (Journal de l'hypnotisme), une revue que Forel et Freud avait lancé et qu'Oskar poursuivit jusqu'à la fin du XIXe siècle, avant de le convertir en Journal for Psychologie und Neurologie (Journal de la psychologie et de la neurologie)...

Dans ses travaux sur l'hypnose, Oskar avait commencé à décrire certains phénomènes nouveaux, qui ne cadraient pas toujours avec les enseignements de Charcot et Freud, deux géants du domaine de la psychothérapie utilisant l'hypnose. Alors que Charcot soulignait l'importance de l'amnésie hypnotique, Oskar démontrait que grâce à l'induction de l'hypermnésie, les souvenirs traumatiques supprimés pouvaient être clairement et fortement remémorés et rationalisés avec la perspective d'un rétablissement complet des patients de leurs conditions névrotiques.

Il put appuyer cette conclusion en démontrant qu'un patient recevant une suggestion hypnotique, par ex. mordre dans une vermine macabre tout en mangeant son fruit préféré, éviterait de goûter ce genre de fruit dans l'amnésie post-hypnotique en utilisant toutes les excuses possibles. Cette névrose induite artificiellement fut cependant facilement guérie par une deuxième séance hypnotique, au cours de laquelle le contenu de la première séance fut remonté de façon vivante au patient (hypermnésie) et expliqué de manière rationnelle, entraînant une disparition complète de la "névrose des fruits".

Un autre patient intéressant, traité avec succès par hypermnésie, était un général russe de haut rang à la cour de Nicolas II; Vogt, alors au sommet de sa popularité, utilisant l'hypnose dans la psychothérapie des troubles psychogènes, avait été fréquemment invité dans diverses capitales européennes, dont Saint-Pétersbourg. Un jour, lors d'un banquet de la Cour, il remarqua que la joue gauche du général assis à côté de lui devenait rouge vif chaque fois que le nom du tsar était mentionné. Après avoir été sollicité pour une consultation, Vogt put établir lors de la première séance, par hypnose, que le général avait été giflé sur la joue gauche par le tsar qui avait perdu son sang-froid lors d'une audience. Au cours des prochaines séances, en utilisant l'hypermnésie, l'événement malheureux fut analysé et rationalisé, apportant un soulagement total du symptôme embarrassant.

En ce qui concerne Freud, Vogt a maintenu un respect distant pour le père de la psychanalyse, bien qu'il y ait entre eux un certain nombre de différences en raison de la diversité croissante de leurs intérêts principaux. Alors que pour Vogt, comme pour Forel, l'hypnose n'était qu'une approche pour éclairer la dynamique et la localisation des émotions humaines dans le cerveau, - pour Freud, l'hypnose était le principal outil pour construire ses théories sur le subconscient en mettant l'accent sur les conflits sexuels,sans aucune référence aux événements organiques dans le cerveau.

Une autre différence intéressante entre Freud et Vogt se trouvait dans la sélection de leurs patients. Alors qu'un groupe prépondérant parmi les patients de Freud était composé de femmes aisées et perturbées sexuellement, - un grand nombre de patients de Vogt étaient des politiciens de haut niveau, des bohèmes artistiques et d'autres personnes créatives, qui étaient trop stressées dans la poursuite de leurs ambitions ou tâches quotidiennes. L'approche thérapeutique de Vogt fut de les aider à se détendre et à retrouver leur équilibre. Dans ce but, il appliqua une hypnose "fractionnée", développant ainsi au final la capacité du patient à s'auto-induire un état de relaxation complète. Avec cette méthode, Vogt précéda une méthode développée plus tard par J.H. Schultz, le "Training Autogène" utilisant la relaxation hypnotique auto-induite.

Posts les plus consultés de ce blog

La theorie de la Néodissociation d' Ernest Hilgard

Les zones hypnogènes

Erickson et le mythe des métaphores