Surestimation de l'importance de l'attente du sujet dans la performance hypnotique



En 1946,dans un article intitulé Expectancy versus Performance in Hypnosis, Welsey R. Wells tente de démontrer que la place qu'on accorde à l'attente du sujet ne joue pas le rôle qu'on lui prête et sème la confusion dans l'étude des mécanismes qui sous-tendent la pratique de l'hypnose, notamment la production de phénomènes hypnotiques.

Il commentera à ce sujet d'ailleurs :

"Si davantage de psychologues travaillant dans le domaine de l'hypnose ne faisaient que se soucier d'améliorer leurs méthodes afin d'obtenir des résultats hypnotiques sans susciter d'attente, ou mieux, en encourageant le scepticisme chez leurs sujets, alors l'hypnose pourrait vraiment devenir une science et un art honnête, non contaminé par l'art de la suggestion ... "

Pour monter son expérience de recherche, il s'inspirera des travaux de Crane G. W. , décrite ci-après :

" À Londres il y a quelques années, une expérience a été réalisée avec cinq soldats pour déterminer l'influence de leur état mental sur leur force physique. Ils ont saisi un dynamomètre aussi fort qu'ils le pouvaient pour enregistrer leur force de poignée maximale. Pour les cinq hommes, la moyenne était de 101 livres. Ensuite, ils ont été hypnotisés, après quoi on leur a dit qu'ils étaient très faibles. On leur a de nouveau donné le dynamomètre et leur a dit de le saisir aussi fortement que possible. Leur moyenne n'était plus que de 69 livres. Ensuite, on leur a déclaré le contraire, à savoir qu'ils étaient puissants, herculéens, après quoi leur force moyenne de poignée était de 140 livres...


La croyance - qu'ils étaient forts a, en fait, augmenté leur force physique de près de 40% au-dessus de leur capacité normale, tandis que la croyance qu'ils étaient faibles a réduit leur force de 30% en dessous de leur meilleur record "

Il prendra le contre pied de cet expérience, en créant des attentes contradictoires aux performances, qu'il prendra soin de mesurer concrètement (l'article contient toutes une séries de mesure sur les performances de différents sujets). Voici un exemple des suggestions qui seront utilisés pour réaliser cette expérience :


"Chacun des sept derniers sujets a été informé au cours de la première période hypnotique qu'après être sorti de l'hypnose, les bras et les mains seraient complètement paralysés, suspendus mollement à leurs côtés, sans assez de force même pour tenir une feuille de papier, et que je tiendrais le dynamomètre pendant le test. J'ai déclaré qu'ils ne constateraient rien de particulier à cette situation, et qu'ils auraient le sentiment d'avoir une plus grande force et d'être capable d'un plus grand effort..." 

Il en arrivera à la conclusion suivante :

"Cet article a été principalement consacré à la description d'expériences sur 10 sujets hypnotiques sélectionnés et hautement entrainés, chez lesquels la force de saisie et l'attente étaient contrôlées par l'hypnose. Une paralysie complète ou partielle a été produite chez tous les sujets alors que leur croyance hypnotique contrôlée était qu'ils étaient plus faibles que d'habitude.

Ces résultats contredisent la théorie de la suggestion en hypnose, comme l'illustre l'expérience décrite par Crane, dans laquelle les deux facteurs de l'Attente et de la Performance hypnotique sont communément considérés comme étant liés de manière causale, les phénomènes hypnotiques étant considérés comme causés par l'Attente "


Durant toutes ses années de recherche, il prendra soin de choisir des sujets plutôt sceptiques pour s'assurer de l'inutilité de certains leviers pour produire l'expérience hypnotique :



" Toutes choses étant égales par ailleurs, je choisirais toujours un sceptique comme sujet hypnotique. On ne peut pas vraiment échouer avec un sceptique, et on ne peut pas vraiment gagner avec un sujet crédule. Si l'on ne parvient pas à obtenir de résultats hypnotiques avec un sceptique, le sujet le prend comme une évidence, sans critiquer l'opérateur. Si l'on réussit à faire entrer le sceptique dans l'hypnose profonde (ce que le scepticisme n'empêche pas le moins du monde), alors on a vraiment prouvé quelque chose. Avec un crédule, en revanche, si l'on obtient de bons résultats, le sujet le prend comme une évidence, et l'opérateur est susceptible de soupçonner un simulacre de la part du sujet. Si l'on ne parvient pas à obtenir des résultats avec le sujet crédule, alors le sujet a tendance à blâmer l'opérateur d'avoir des méthodes inadéquates.

La règle dans l'utilisation d'une méthode hypnotique directe est que les phénomènes hypnotiques viennent en premier et la croyance vient ensuite à la suite de l'hypnose
phénomènes "



Pour lui, il est important de faire le tri entre ce qui est essentiel dans la pratique de l'hypnose et ce qui ne l'est pas :
"C'est comme si un chirurgien n'opérait que lorsqu'un anesthésique tel que l'éther" avait été utilisé en conjonction avec une autre substance comme le parfum de rose. En échouant à faire une distinction expérimentale entre l'éther et le parfum de rose, et en insistant toujours pour que le parfum de rose soit utilisé en tant que partie de l'agent anesthésiant total, il pourrait en venir à penser qu'il avait prouvé que le parfum de rose était une partie vraiment essentielle du mélange. .

Les hypnotiseurs qui utilisent l'art de la suggestion, tentant toujours dans leur procédure avec des sujets de susciter l'attente, sont comme le chirurgien qui utilise toujours le parfum de rose dans le cadre de son anesthésie "




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